Le préjudice résultant de l’infraction d’abus de biens sociaux doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties

Les magistrats malgaches ont attribué 428.492 euros d’intérêts civils à RANARISON Tsilavo, simple associé de la société CONNECTIC, alors que c’est la société CONNECTIC qui est la victime directe et personnelle du supposé abus de biens sociaux.

Ce qui est grave est que le supposé abus de biens sociaux s’élève à 1.092.060 euros et RANARISON Tsilavo ne détient que 20 % des parts donc au maximum le supposé quote-part de RANARISON Tsilavo s’élève à 218.412 euros, sous réserve que RANARISON Tsilavo n’est même pas la victime directe et personnelle de l’abus des biens sociaux.

 

Cour de cassation
Audience publique du 19 mai 2016
N° de pourvoi : C1602060
Président : M. Guérin (président)
Avocats : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Thierry X…,


contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 14 avril 2015, qui, pour abus de biens sociaux, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 23 mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général VALAT ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du code pénal, L. 242-6, L. 244-1 et L. 246-2 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable des faits d’abus de biens ou du crédit d’une société par actions à des fins personnelles, l’a condamné à une peine d’emprisonnement de trois mois assortie du suris et à une amende de 3 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

 » aux motifs, propres, qu’en vain, M. X… se défend, devant la cour, d’avoir été le gérant de fait de la société RP services alors que l’ensemble des témoignages recueillis établit le contraire ; que M. Serge Y…, président de la SAS RP services, a déclaré qu’en dépit de son titre de président, il n’a assumé que des tâches administratives et s’est heurté à l’opposition de M. X… quand il a voulu s’intéresser à la gestion de l’entreprise et à sa facturation ; qu’ainsi il n’a plus eu accès à son propre bureau dont les clefs lui ont été subtilisées par le prévenu lequel se chargeait de négocier avec les clients et les fournisseurs et ne faisait appel à lui que pour signer les contrats ainsi que des chèques en blanc ; que les moyens de paiement de la société étaient, d’ailleurs, détenus par M. X… dans un coffre fort situé dans son bureau ; que M. X…, sans jamais le consulter, décidait de tout, « du général au particulier » ; que Maître C…, administrateur judiciaire de RP services, a indiqué aux enquêteurs que dans sa mission d’assistance, il avait eu pour interlocuteurs MM. Serge Y…et X… ; que Mme Laetitia Z…, collaboratrice de Maître B…, liquidateur, a déclaré que M. Serges Y…, bien que présent lors des opérations de vérification du passif, ne savait souvent pas répondre aux questions posées sur le fonctionnement de la société et les rapports avec les divers créanciers et ne se rappelait pas avoir émis certains chèques expliquant qu’il signait souvent une dizaine de chèques en blanc qu’il remettait à M. X… sans être renseigné sur l’usage que ce dernier faisait des moyens de paiement de la société ; que le prévenu n’était pas titulaire de la signature bancaire mais les créanciers, selon elle, ne connaissaient que M. X… ; que son attention avait été attirée, par ailleurs, par l’inégalité des salaires du président et du directeur de RP services qui ne reflétait pas le lien de subordination qui aurait dû exister entre eux ; que M. Serges Y…était, en effet, rémunéré 2 290 euros brut alors que M. X… avait un salaire de 3 350 euros brut ; qu’en outre, certaines décisions prises au sein de la société dans l’intérêt personnel du prévenu signent le pouvoir discrétionnaire qui était le sien et son rôle de dirigeant de fait ; qu’ainsi l’enquête a établi que l’épouse de M. X…, employée par RP services en qualité de secrétaire à compter du 9 mars 2009, était devenue directrice commerciale le 1er mai 2010 obtenant une augmentation substantielle, son salaire passant de 985 euros à 3 300 euros alors que la société connaissait déjà des difficultés se trouvant en redressement judiciaire ; que le salaire du prévenu, jugé trop important par la collaboratrice du liquidateur judiciaire, compte tenu des difficultés financières de la société et sa comparaison avec celui du dirigeant de droit de RP services corroborent l’ascendant de M. X… sur M. Serges Y…et son rôle prépondérant dans la société ; qu’enfin, la cour observe que le prévenu n’a pas relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Nice, en date du 24 juin 2014, l’ayant condamné ainsi que M. Serges Y…au paiement de la somme de 1 215 811, 17 euros représentant le montant de l’insuffisance d’actif de la procédure collective de la SAS RP services, à titre de sanction des fautes de gestion commises alors que la société connaissait déjà des difficultés se trouvant en redressement judiciaire ; que les faits d’abus de biens sociaux, il n’est pas contesté que la société Options a dressé à RP services, le 14 septembre 2010, une facture d’un montant de 1 685, 12 euros, correspondant à des frais de location de tentes et de mobilier s’agissant de prestations réalisées pour le mariage du prévenu ; que ce dernier évoque une erreur de la société Options qui avait promis de lui offrir ces prestations et qui a adressé, néanmoins, sa facture à la société RP services ; qu’en acceptant qu’une dépense personnelle soit supportée par la société RP services dont il a été démontré qu’il était le dirigeant de fait, M. X… a fait, de mauvaise foi, des biens de cette société, un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci ; que la partie civile fait valoir que la créance de la société Options a été admise au passif de la société RP services, après une déclaration du 14 février 2011 ; qu’ainsi le préjudice existe, bien que la créance n’ait pas à ce jour été acquittée par la société RP services, par le simple fait qu’elle augmente le passif de la société placée en liquidation judiciaire ; que le paiement tardif de cette créance par le prévenu, le 31 mai 2013, n’efface pas l’infraction d’ores et déjà constituée et dont il a été, à bon droit, déclaré coupable par les premiers juges et dont la décision sera sur ce point confirmée ;
(…) que, sur la peine, la cour infirmera cependant le jugement déféré sur la peine et prononcera, outre l’amende de 3 000 euros, une peine de trois mois d’emprisonnement assorti du sursis, les faits d’abus de biens sociaux ayant aggravé le passif de la société RP services déjà très important du fait des fautes de gestion commises par le prévenu ; que, sur l’action civile, en ce qui concerne l’action civile, le tribunal a fait une juste appréciation des éléments justificatifs produits et a assuré une indemnisation entière du préjudice subi par la partie civile ; que sa décision sera à cet égard également confirmée ; que l’équité commande l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale en instance d’appel à hauteur de 1 000 euros au bénéfice de la partie civile ;

 » et aux motifs, propres, que, sur l’action publique, (…) s’agissant de l’abus de biens sociaux, il résulte des éléments du dossier, notamment, des propres déclarations de M. X… et de l’audition de Maître C…, administrateur provisoire de la société RP service, que M. X… agissait au sein de cette société comme gérant de fait ; que M. X… a indiqué dans ses auditions qu’il réalisait les entretiens d’embauche avec M. Y…, son associé, qu’ils étaient associés (50 % chacun) et qu’ils géraient la société ensemble ; qu’il ressort du dossier que, le 14 septembre 2010, la société Options a émis une facture de 1 685, 12 euros au nom de la société RP service et correspondant à des prestations effectuées pour le mariage de M. X… ; que, dans un courrier daté du 28 juillet 2011, Mme A…de la société Options atteste que M. X… a demandé à la société d’établir cette facture au nom de la société RP service ; qu’en agissant ainsi en toute connaissance de cause M. X… a fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société RP service un usage qu’il savait contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ; qu’il convient par conséquent d’entrer en voie de condamnation à son encontre ; que, sur les intérêts civils, la facture litigieuse a été admise définitivement au passif de la société RP service ; que, par conséquent, il convient de condamner M. X… à payer à Maître B…, liquidateur de la société RP service, la somme de 1 685, 12 euros (…) ;

 » 1°) alors que le dirigeant de fait exerce en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction et dispose d’un réel pouvoir de direction et de contrôle de la société ; que, pour retenir que M. X… était le dirigeant de fait de la société RP services, la cour d’appel a relevé que M. Y…, président de la société, indiquait se cantonner à des tâches administratives quand M. X… aurait décidé de tout « du général au particulier », que l’administrateur judiciaire prétendait avoir eu pour interlocuteur MM. Y…et X…, que, selon la collaboratrice du liquidateur judiciaire, M. Y…ne savait souvent pas répondre aux questions sur le fonctionnement de la société et sur les rapports de la société avec les créanciers, que le salaire du prévenu aurait été trop important selon la collaboratrice du liquidateur judiciaire, qu’après être devenue directrice commerciale de la société, l’épouse de M. X… avait obtenu une augmentation substantielle et que M. X… aurait eu un ascendant sur M. Y…et un rôle prépondérant dans la société ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser en quoi M. X… avait, en fait, exercé en toute indépendance une activité positive de direction de la société RP services quand elle relevait, par ailleurs, que « le prévenu n’était pas titulaire de la signature bancaire », la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 » 2°) alors que, pour déclarer le prévenu coupable du délit d’abus de biens sociaux, la cour d’appel a relevé qu’« il n’est pas contesté que la société Options a adressé à RP services, le 14 septembre 2010, une facture d’un montant de 1 685, 12 euros, correspondant à des frais de location de tentes et de mobilier s’agissant de prestations réalisées pour le mariage du prévenu » ; qu’en se bornant ainsi à relever que ce fait n’aurait pas été contesté quand il lui appartenait de rechercher si l’accusation en apportait la preuve matérielle, la cour d’appel n’a pas caractérisé en tous ses éléments l’infraction reprochée ;

 » 3°) alors que le délit d’abus de biens sociaux suppose que soit constatée la mauvaise foi du dirigeant qui a fait, en connaissance de cause, un usage du patrimoine social contraire à l’intérêt de la société et à des fins personnelles ; que, pour retenir la mauvaise foi du prévenu, la cour d’appel a relevé que celui-ci aurait « accept é qu’une dépense personnelle soit supportée par la société RP Services » sans rechercher en quoi le prévenu aurait accepté une telle dépense quand il faisait au contraire valoir qu’il ignorait que cette facture serait adressée à la société RP services par la société Options, laquelle avait promis à M. X… de lui offrir la prestation litigieuse pour son mariage, et que le prévenu avait ensuite lui-même procédé au paiement de cette facture ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction reprochée, a méconnu les textes susvisés  » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, justifié la qualité de gérant de fait du prévenu et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit d’abus de biens sociaux dont elle l’a déclaré coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 1382 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

 » en ce que l’arrêt attaqué a reçu Maître Georges-André B…en sa constitution de partie civile et a condamné le prévenu à lui payer la somme de 1 685, 12 euros à titre de dommages-intérêts ;

 » aux motifs, propres, que le préjudice existe, bien que la créance n’ait pas à ce jour été acquittée par la société RP services, par le simple fait qu’elle augmente le passif de la société placée en liquidation judiciaire ; que le paiement tardif de cette créance par le prévenu, le 31 mai 2013, n’efface pas l’infraction d’ores et déjà constituée et dont il a été, à bon droit, déclaré coupable par les premiers juges et dont la décision sera sur ce point confirmée ; (…) que, sur l’action civile, en ce qui concerne l’action civile, le tribunal a fait une juste appréciation des éléments justificatifs produits et a assuré une indemnisation entière du préjudice subi par la partie civile ; que sa décision sera à cet égard également confirmée ; que l’équité commande l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale en instance d’appel à hauteur de 1 000 euros au bénéfice de la partie civile ; (…) ; que, sur les intérêts civils, la facture litigieuse a été admise définitivement au passif de la société RP service ; que, par conséquent, il convient de condamner M. X… à payer à Maître B…, liquidateur de la société RP service, la somme de 1 685, 12 euros (…) ;

 » alors que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu’en condamnant le prévenu à payer au liquidateur de la société RP Services la somme de 1 682, 12 euros, correspondant à la facture litigieuse admise au passif de cette société, quand elle constatait pourtant que le prévenu avait lui-même procédé au paiement de cette créance le 31 mai 2013, ce dont il résultait que la société RP services n’était plus tenue à son paiement, la cour d’appel a méconnu les textes et principes visés au moyen  » ;

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, pour confirmer le jugement et condamner le prévenu, déclaré coupable du chef d’abus de biens sociaux au préjudice de la société RP services dont il était le gérant de fait, à payer au liquidateur de celle-ci, la somme de 1 685, 12 euros au titre d’une créance de la société Options admise au passif, correspondant à une facture de frais pour le mariage du prévenu, l’arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le prévenu avait déjà réglé la facture litigieuse auprès de la société créancière, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; qu’elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 14 avril 2015, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêt civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf mai deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 14 avril 2015